N’imprimez pas cet article !
Publié le 21 février 2014 par
Par Gabrielle Campeau (2009)
N’imprimez pas cet article !
Je préférerais avoir la conscience tranquille en sachant que, contrairement à un nombre faramineux d’articles sur le web, ce document restera informatisé et vos imprimantes éteintes. Non que je me considère suffisamment douée pour en justifier l’impression ; ce sont les statistiques qui parlent. En effet, alors que l’informatique est plus présente dans nos vies que jamais auparavant, l’utilisation du papier, notamment pour l’impression de documents trop longs pour être lus confortablement devant un écran, ou simplement de courriels personnels a également considérablement augmenté.

Papier vs. plastique : Lequel pollue le plus ?
Apparemment, nous ne nous rendons plus compte à quel point notre consommation personnelle de papier affecte l’environnement. C’est peut-être parce que l’utilisation d’ordinateurs et autres outils technologiques nous donne l’illusion de ne pas en utiliser tant que ça, ou encore parce que, alors que les médias nous alertent constamment sur les dangers infinis du mortel sac de plastique et autres produits toxiques, les quelques feuilles blanches que l’on utilise par jour ne sont pas si importantes dans le grand tableau. Au moins, elles sont biodégradables, n’est-ce pas ?
Et pourtant ! En mars 2007, San Francisco (É.-U.) devint la première ville au monde à bannir les sacs de plastique, bientôt suivie par plusieurs autres, dont Huntingdon plus près de chez nous. À part la furie médiatique, l’une des conséquences de ce bannissement fut le passage général progressif à l’utilisation de sacs réutilisables ou, tout au minimum, de sacs en papier. Excellente idée, à la base, puisque le plastique est un déchet extrêmement difficile à éliminer et en réduire la quantité produite, par tous les moyens, n’est pas une erreur.
Toutefois, un an plus tard, une question s’est posée : le sac de papier serait-il un pire choix que celui de plastique ? C’est ce que pense un reporter pour SF Weekly, qui a mené l’enquête.
« L’argument que la biodégradation est la rédemption des sacs de papier est extrêmement problématique, » affirme l’auteur. « D’abord, la décomposition du papier représente une source significative de gaz à effet de serre. Deuxièmement, dans un site d’enfouissement proprement dirigé, le papier ne se dégrade pas vraiment. En fait, rien ne se dégrade vraiment. »
C’est le cas non seulement des sacs de papier, mais du papier en général. Quoique la production du plastique requiert une quantité non-négligeable de pétrole, celle du papier nécessite de nombreux produits chimiques toxiques, polluant une grande quantité d’eau à la fabrication pour, en plus, éventuellement, être libérés durant la décomposition. Ces produits sont, par ailleurs, également utilisés dans le processus de recyclage, notamment le chlore servant à désencrer le papier.
Et pourtant, les gens continuent à considérer le papier comme étant un meilleur choix, allant jusqu’à inventer un prototype de bouteille d’eau à base de papier recyclé… Même en ignorant la pollution produite par le papier, n’est-ce pas là remplacer un problème par un autre, apparemment « moins important », celui de la surconsommation et de la déforestation ?

Nos forêts se meurent, de toute façon !
Justement, au sujet de la déforestation, il paraît évident que la consommation du papier en est une des causes les plus importantes. Après tout, une grande partie des arbres coupés au Canada est destinées à l’industrie des pâtes et papiers.
Que faire, alors ?
Le recyclage, déjà grandement utilisé, n’est malheureusement qu’une solution temporaire dont on ne doit pas dépendre. Quoique toujours mieux que la fabrication de papier neuf, le papier ne peut pas être recyclé à l’infini ; après chaque recyclage, les fibres s’affaiblissent et deviennent éventuellement inutilisables par elles-même, normalement après une dizaine de cycles, ce qui rend nécessaire la fabrication de nouveau papier non-recyclé, ad infinitum… jusqu’à en épuiser les ressources. Il faut donc voir cette solution comme une possibilité temporaire, un moindre mal, en attendant de trouver un remplacement complet.
Et des remplacements complets, dans cette ère technologique, ce n’est pas impossible ! Autant l’informatisation a-t-elle fait augmenter l’utilisation du papier, autant elle pourrait en causer le déclin si l’on éliminait les imprimantes. Le passage complet à l’informatisation, quoique certains affirmeront qu’il aurait bien des effets négatifs sur notre société, réduirait grandement la nécessité que l’on a d’utiliser des feuilles, mais également des livres : les livres informatisés (e-books) abondent déjà sur le web et les lecteurs numériques qui sont destinés à en rendre la lecture plus facile sont bien plus compacts que les bibliothèques entières qu’ils peuvent contenir. Le principal point négatif est le prix, mais plus la technologie évolue, plus il sera facile de se les procurer pour un moindre coût.
Le remplacement est peut-être encore moins loin qu’on ne le croit : simplement un papier fait d’un matériel différent. Une entreprise taïwanaise, An Bao Paper Industry, par exemple, a développé un type de papier conçu à partir de carbonate de calcium. Un papier minéral ne serait apparemment pas aussi polluant que la version végétale, puisqu’il se décomposerait sans causer d’émissions toxiques. De plus, il est, selon eux, moins coûteux à produire que le papier de pulpe de bois.
Visiblement, des solutions existent et celles qui n’existent pas encore pourraient devenir réalité avec l’avancée technologique des prochaines années. Tout ce qu’il faut, c’est de parvenir à inciter suffisamment la population à les créer, simplement parce qu’il y aura toujours ceux qui ne voient pas l’urgence avant qu’il ne soit trop tard. Faudra-t-il attendre de ne plus avoir de quoi produire les pâtes et papiers – et, incidemment, de quoi respirer – avant de créer une solution permanente ?
Et si tout échoue, il y a toujours une possibilité… drastique.
Le meilleur moyen de rendre ces solutions possibles et efficaces, serait malheureusement, sans doute, d’obliger la population entière à réduire sa consommation avant qu’il ne soit trop tard. Oubliez l’idée d’instaurer des taxes sur l’utilisation des ressources, c’est la source qu’il faut tarir pour laisser apparaître l’urgence. Évidemment, je ne parle pas d’épuiser les forêts. Plutôt, c’est une idée que certains trouveront encore plus folle : réduire de moitié l’industrie forestière ainsi que celle des pâtes et papiers.
Oui, en pleine crise économique, c’est une éventualité presque suicidaire pour le pays, tout comme le devient, de plus en plus, chaque geste écologique plus coûteux que l’option qui ne l’est pas. Actuellement, l’environnement est également en crise, autant sinon plus que l’économie. Et il convient, je crois, de se demander… à l’instant décisif, que choisirons-nous : nos portefeuilles ou notre planète ?