La biodiversité du lac Saint-pierre est-elle menacée?
Publié le 2 avril 2015 par
Par Marie-Danielle Gagné et Xavier Fournier-Blais (2015)
La biodiversité du lac Saint-Pierre est-elle menacée?
Le lac Saint-Pierre, un lac qui se situe entre Sorel-Tracy et Trois-Rivières au Québec, autrefois connu pour ses richesses et les activités sportives et de plein air qu’il offrait, est de moins en moins populaire. Pourquoi ? Eh bien, il semblerait que le lac soit « malade », donc moins attrayant pour les visiteurs.
Dans le texte qui suit, les thèmes abordés porteront sur : les espèces envahissantes et la prédation, les changements climatiques et la cyanobactérie, ainsi que la surpêche et le braconnage, la fluctuation des niveaux d’eau, l’envahissement des roseaux et, finalement, le phosphore, l’érosion et la pollution du lac Saint-Pierre.
Les espèces envahissantes et la prédation
Dans le cas du lac Saint-Pierre, le gobie à tâches noires et le cormoran sont des espèces particulièrement menaçantes pour la population de poissons qui y vit, car leur régime (composé majoritairement de petits poissons et/ou d’œufs de ceux-ci) affecte les espèces chassées, ainsi que le cycle prédateur-proie. source
L’apparition du gobie à tâches noires au Québec date des années 90. En effet, ce poisson originaire de Russie aurait réussi à entrer dans les navires par les ballasts jusqu’à son arrivé dans les eaux des Grands Lacs et se propagea dans plusieurs rivières et lacs, tels que le lac Saint-Pierre. Le succès de son implantation est lié à certaines de ses qualités telles que son agressivité et sa capacité à se reproduire plusieurs fois durant l’été. Il mange une grande partie des fraies des poissons indigènes, ce qui cause une diminution de poissons dans le lac Saint-Pierre et crée une augmentation de la population de gobies, due au manque de prédateurs.
Le meilleur moyen de réduire leur population est par la prédation, c’est-à-dire que les gobies entreraient dans le cycle prédateur-proie. Certains biologistes on observé que le doré noir aurait commencé à s’alimenter de gobies. Par contre, il reste encore du chemin à faire, mais, avec le temps la population de gobies devrait réduire et se stabiliser à un nombre raisonnable.
L’arrivée du cormoran sur les rives du lac Saint-Pierre crée un énorme impact sur l’environnement, car sa population ne cesse de croître au fil des ans, on évalue une augmentation de 10% de la population annuellement.
Son expansion est liée à 4 conditions favorables :
- la disparition de la morue (qui avait les mêmes habitudes alimentaires et qui est disparue à cause de la surpêche),
- l’ensemencement des Grands Lacs en éperlans (qui offre une nouvelle source de nourriture au cormoran),
- l’interdiction d’utiliser le pesticide DDT (qui rendait les coquilles des œufs molles et dont il fallait absolument interdire l’utilisation), et les BPC
- ainsi que les piscicultures (où il va se nourrir l’hiver).
De plus, il se nourrit de près de 500 grammes de poissons par jour. Étant donné que le nombre de perchaudes est déjà en baisse, les biologistes s’interrogent sur l’avenir de l’espèce et tentent de trouver des solutions au problème.
Afin de contrôler la population de cormorans, certaines mesures ont été mises en place, telles que la stérilisation des œufs par enrobage à l’aide d’une huile non toxique. Le processus est simple, il s’agit d’appliquer de l’huile sur les œufs afin de les rendre infertiles (bloque l’entrée d’oxygène, vital à l’embryon) et limiter ainsi le nombre d`individus. De cette façon les parents continuent de couver et nous évitons qu’ils se déplacent vers d’autres sites qu’ils pourraient envahir.
Les changements climatiques et la cyanobactérie
Les changements climatiques causent de plus en plus de problèmes à l’échelle mondiale et amènent les scientifiques à se pencher davantage sur la question, mais qu’en est-il pour le lac Saint-Pierre?
Selon de récentes recherches menées par les scientifiques du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, le réchauffement de l’eau et l’utilisation de produits chimiques dans les champs agricoles causeraient la dégradation de la végétation marine, qui sert d’habitat, d’abri et de garde-manger aux poissons y vivants. Les herbiers,pourtant nécessaires source à la survie des poissons, se transforment en un désert marin avec l’arrivée de la cyanobactérie (ou algue bleue), qui se multiplie avec le réchauffement des eaux, dans le lac Saint-Pierre. La perchaude a donc une grande difficulté à survivre aux hivers canadiens, car le manque de nourriture empêche sa croissance et la rend vulnérable face aux prédateurs et au climat rigoureux.
Afin d’aider les perchaudes à survivre aux hivers, la création de frayères (afin que les poissons puissent se reproduire) et la mise en place d’une aire faunique (sert à gérer un territoire défini) pourraient aider à la réhabilitation et la protection des espèces aquatiques vivant dans le lac Saint-Pierre.
La surpêche et le braconnage
Il n’est pas rare d’entendre de nombreux pêcheurs dire que le lac Saint-Pierre est « vide » à cause de la surpêche. Vous vous posez sûrement quelques questions comme : pourquoi y a-t-il moins de poissons dans le lac ? Qui est à l’origine du problème ? Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas agit? Heureusement, nous sommes là pour creuser le sujet.
Cela fait 20 ans que les biologistes tentent de mettre en garde la population vivant aux alentours du lac Saint-Pierre que la population de poissons est en baisse. Leurs recherches portent sur la diminution de la perchaude : en 1986, les pêcheurs commerciaux attrapaient 210 tonnes de perchaude tandis qu’en 1998, ils ont capturé 70 tonnes. Il est visible que la diminution de poissons, liée à la pêche commerciale et sportive, est critique…
Ce n’est qu’en 1997 que le gouvernement imposera les premières restrictions, la remise à l’eau des perchaudes de moins de 190 mm pour la pêche commerciale et de moins de 165 mm pour la pêche sportive. Puis en 2000, la saison de pêche ne commença que le 10 avril au lieu du 1er du mois et on réduit de 25% le nombre des verveux (filet fait sur le long qui sert de barrage, c’est- à -dire qu’ils forcent les poissons à y entrer en bloquant les autres voies), que les pêcheurs commerciaux ont le droit d’utiliser pendant le mois d’avril. source On impose un quota de 50 perchaudes par jour aux pêcheurs sportifs, avec interdiction de revendre. Même si le lac semblait se repeupler peu à peu, la population de perchaudes restait en déclin. En mai 2013, le gouvernement a interdit, pour une durée de 5 ans, la pêche de la perchaude dans le lac Saint-Pierre. Est-ce que cela sera suffisant afin de réalimenter les stocks? La création et la réparation de frayères pourraient être une solution appropriée.
Bien que le gouvernement ait interdit la pêche de la perchaude, certains semblent ne pas vouloir arrêter leur pratique et préfèrent agir illégalement. Le braconnage est présent partout. Le lac Saint-Pierre ne fait pas exception. Heureusement, les agents de la conservation de la faune sont présent afin de réduire la pratique du braconnage. Par exemple, lors de l’opération «Percidé» en 2012, ils ont réussi à arrêter un commerce illégal de perchaudes. On évalue que les braconniers auraient pêché près de 150 perchaudes par jour. Ils ont reçu une amende de plus de 80 000 $ et ont fait l’objet de 137 chefs d’accusations. Bien entendu, les prises (plus de 75 kg de filets de perchaudes, dorés et esturgeons, sur les 120 kg récoltés) ont été remises aux Moissons Mauricie et Centre-du-Québec afin d’éviter le gaspillage.
Le nombre d’agents de la conservation de la faune est en baisse, car le gouvernement ne cesse de faire des coupures. Est-ce que cela aura un impact sur le nombre de poissons dans le lac ? Après tout, cela offre une opportunité aux braconniers, puisqu’il y a moins d’agents, il y a donc moins de risques d’être arrêté. La solution au braconnage sur le lac Saint-Pierre serait d’engager plus d’agents et/ou cesser les coupures.
La fluctuation des niveaux d’eau
Saviez-vous qu’en 2010 les niveaux d’eau au lac Saint-Pierre étaient bien en dessous de la moyenne entre janvier et septembre, du jamais vu depuis 1967. Avec les récents changements climatiques, les niveaux d`eau subissent de nombreuses variations. Serait-il possible que cela affecte la biodiversité?
La réponse est oui, et la végétation près du rivage en est une preuve concrète. La hauteur des plantes est déterminée selon le niveau d’eau de l’année précédente (si le niveau d’eau est haut, les plantations seront plus hautes et plus basses, pour un niveau d’eau bas), il détermine aussi la localisation de celles-ci (puisque les plantes pousseront à l’endroit qui sera le mieux adapté à leurs besoins). Ces plantes sont aussi un élément important dans la chaîne alimentaire aquatique et l’habitat aquatique. De plus, l’eau à bas niveau sert d’habitat aux oiseaux aquatiques et aux mammifères, tandis que les conditions de haut niveau d’eau augmentent la superficie des habitats pour les invertébrés et les poissons. Par contre, l’assèchement des milieux humides entraine la multiplication des plantes envahissantes, comme le roseau commun, sur le rivage.
Les poissons sont, eux aussi, affectés par les variations hydrologiques. Le comportement de reproduction peut être changé, puisque l’accès à une zone de fraie est bloqué à cause de l’eau peu élevée. Ceci crée, à long terme, une baisse des populations de poissons. De plus, la baisse du niveau d’eau réduit le taux d’éclosion d’œufs, qui ont besoin d’une température idéale et de présence de végétation submergée. Durant l’hiver, amphibiens et tortues hibernent au fond des plans d’eau, mais la réduction du niveau d’eau augmente le risque de mortalité.
Les amphibiens pondent leurs œufs entre avril et mi-juin, durant cette période, les œufs sont à risque de s’assécher s’il y a une baisse spontanée du niveau d’eau. De plus, leur stade larvaire (temps avant d’être adulte) dure 2 à 3 ans, ce qui les rend plus vulnérables et réduit leur nombre, puisqu’ ils ne seront pas tout de suite prêts à la reproduction. Pour les tortues, la ponte des œufs doit se faire dans un sol sableux près de l’eau, mais l’inondation du nid causerait la mort des embryons.
Pour résoudre le problème créé par les variations de niveaux d’eau, l’aménagement de marais avec une densité de végétation serait une idée envisageable. Cela inciterait les poissons comme le brochet à se reproduire et formerait un endroit idéal pour les grenouilles et autres amphibiens. Ainsi, nous aidons à la conservation de l’écosystème. Même si cette solution a déjà été utilisée, par exemple à Germantown, il faut savoir qu`elle est très coûteuse.
L’envahissement des roseaux
Le roseau commun est une plante envahissante nord-américaine et le lac Saint-Pierre pourrait, d’ici quelques années, devenir la plus grande roselière en Amérique du Nord. On compte 240 roselières dans le secteur environnant. Comment cette plante a-t-elle pu conquérir l’Amérique ?
Le roseau commun a développé, au fil du temps, quelques tactiques telles que la propagation de rhizomes (tiges souterraines qui produisent des tiges aériennes et des racines adventives) et de stolons (tiges souterraines ou aériennes qui, à chaque nœud, donnent naissance à une nouvelle plante). Ainsi, la plante prend vite possession d’un territoire et empêche source les autres plantes de pousser, puisque leurs tiges de 6 mètres bloquent l’arrivée de lumière. Pour germer, le roseau a besoin de conditions favorables à son développement (qui est favorisé par le réchauffement climatique) comme un bon niveau d’eau, une bonne température (au-dessus de 10°c, durant 120 jours) et un couvert végétal. De plus, il obstrue le passage de l’eau ce qui assèche progressivement les marais et lors d’une baisse de niveau d’eau, les brochets doivent donc utiliser les roselières inondées pour en faire une zone de fraie puisqu’ il n’y a plus de marais (où ils vont normalement). La menace de propagation du roseau commun dans les frayères affecte le brochet et la perchaude. Ces sites sont vulnérables à l’envahissement lorsque les conditions de germination sont favorables.
Puisque l’utilisation de pesticides près de milieux humides est interdite au Canada, la solution afin de combattre et ralentir l’invasion du roseau serait la plantation de plants anti-roseau (il s’agit de créer une frontière à l’aide de plantes ce qui empêcherait les roseaux de se propager plus loin), comme le proposent les professeurs Jacques Brisson (Université de Montréal) et Claude Lavoie (Université Laval). Par contre, cette solution est encore à l’essai, c’est-à-dire qu’il n’a pas encore été prouvé que cette méthode fonctionne.
Le phosphore, l’érosion et la pollution
La pollution est souvent un problème causé par les humains. Dans le lac Saint-Pierre la pollution est très présente, elle est causée par les déchets reliés à l’agriculture (phosphates, nitrates, pesticides et sédiments) et par l’utilisation de contaminants industriels qui sont jetés dans l’eau du lac et ce, sans compter les produits pharmaceutiques qui s’y trouvent aussi (par le biais des centres de traitement d’eau qui en déversent une certaine partie dans les lacs). Comment ces produits agissent-ils sur la vie aquatique ?
Le taux de phosphore dans le lac Saint-Pierre est trop élevé. Il est lié à la pollution agricole et aux eaux de ruissellement. Les plantes aquatiques, comme l’algue bleue, s’en nourrissent. Lorsque la plante meurt, elle se décompose et favorise la croissance de bactéries qui vont consommer l’oxygène et donc réduire le taux d’oxygène dans l’eau, ce qui est mauvais pour les autres êtres vivants.
Afin de limiter les dégâts, interdire l’utilisation de ces produits néfastes comme les pesticides sur les terres agricoles près du lac pourrait être un début de solution, ainsi nous réduirions le taux de pollution dans l’eau et aiderions à la survie de la biodiversité aquatique. Étant donné que l’utilisation de pesticides sur certaines terres est nécessaire afin que les agriculteurs aient une source de revenus, il pourrait être convenu de réduire plutôt que d’interdire l’utilisation des pesticides sur leurs terres.
L’érosion est principalement causée par la navigation et les fluctuations du niveau de l’eau, mais c’est aussi un processus naturel. Des études ont démontré que l’eau, près des berges, arrive à une vitesse qui passe de 20cm/seconde à 100cm/seconde après le passage d’un navire, c’est-à-dire que l’érosion se fait avec l’aide des vagues frappant la berge. Lorsque le niveau d’eau est bas, les vagues n’atteignent pas la rive puisqu’ elles ne sont pas assez fortes (petites et lentes).
La solution serait de mettre en place une loi afin de fixer une limite de vitesse pour les bateaux et ainsi éviter l’érosion précoce du rivage.
Pour conclure, le lac Saint-Pierre est un endroit magnifique et rempli de vie, dont il faut prendre soin afin de régler et d’éviter les problèmes, pour que la beauté de la biodiversité de ce lac puisse se voir pendant les longues années à venir !
Référence